Girard Calumet
Marie Calumet roman BeQ
Rodolphe Girard
Marie Calumet roman La Bibliothèque électronique du Québec
Collection Littérature québécoise
Volume 210 : version 1.01
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Marie Calumet
Édition de référence :
Éditions Fidès, collection du Nénuphar.
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À mon fils Réginald.
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I
Les deux curés
Ce soir-là, monsieur le curé de Saint-Ildefonse avait gardé à souper son voisin, monsieur l’abbé Lefranc, pasteur omnipotent de l’opulente paroisse de SaintApollinaire.
Il n’était pas riche, le curé Flavel, mais, dame ! quand on offre à un ami de prendre une bouchée en commun, on a beau être de la maison du bon Dieu et ne pas ripailler comme dans une noce de Sardanapale, il ne faut pas pour cela se contenter de croûtes, entre le bénédicité et les grâces.
Aussi, le brave monsieur Flavel, en homme bien élevé et accueillant, le cœur sur la main, avait fait des frais. Pas autant, toutefois, qu’il en eût fait pour le député du comté, et surtout pour l’évêque du diocèse.
Le desservant de Saint-Apollinaire était gourmand comme une lèchefrite ; et il n’était jamais plus coulant avec ses paroissiens qu’au sortir de la salle à manger.
Les narines dilatées par le fumet chaud et pénétrant qui
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s’échappait de la cuisine et semblait s’imprégner à tous les meubles de la maison, le curé Lefranc avait accepté avec reconnaissance, en se faisant prier un peu, pour la forme. Une demi-heure plus tard, ils passaient dans la salle à manger. Celle-ci ressemblait à toutes les pièces du même genre : table rectangulaire en plein milieu ; buffet dans un coin ; chaises avec fonds en paille tressée barbouillés d’une peinture jaune ; plusieurs aulnes de catalogne, tapis fait de chiffons tissés au métier. Sur les murs, tapissés de papier peint à quinze sous, une mauvaise lithographie coloriée : Joseph vendu par ses frères ; une autre image, tachetée de chiures de mouches et représentant Jésus au milieu des docteurs.
Dans un angle, quelques portraits de famille, et, à la place d’honneur, au