Gobseck
AVANT-PROPOS DE LA COMÉDIE HUMAINE
En donnant à une œuvre entreprise depuis bientôt treize an.s, le titre de La Comédie humaine, il est nécessaire d’en dire la pensée, d’en raconter l’origine, d’en expliquer brièvement le plan, en essayant de parler de ces choses comme si je n’y étais pas intéressé. Ceci n’est pas aussi difficile que le public pourrait le penser. Peu d’œuvres donne beaucoup d’amour-propre, beaucoup de travail donne infiniment de modestie. Cette observation rend compte des examens que Corneille, Molière et autres grands an teurs faisaient de leurs ouvrages : s’il est impossible de les ég;t 1er dans leurs belles conceptions, on peut vouloir leur ressembler en ce sentiment.
L’idée première de la Comédie humaine fut d’abord chez moi comme un rêve, comme un de ces projets impossibles que l’on caresse et qu’on laisse s’envoler ; une chimère qui sourit, qui montre son visage de femme et qui déploie aussitôt ses ailes en remontant dans un ciel fantastique. Mais la chimère, comme beau coup de chimères, se change en réalité, elle a ses commandement.s et sa tyrannie auxquels il faut céder.
Cette idée vint d’une comparaison entre l’Humanité et l’Ani malité.
Ce serait une erreur de croire que la grande querelle qui, dans ces temps derniers, s’est émue entre Cuvier et Geoffroi de Saint Hilaire, reposait sur une innovation scientifique. L'unité de coin position occupait déjà sous d’autres termes les plus grands esprit* des deux siècles précédents. En relisant les œuvres si extraordi naires des écrivains mystiques qui se sont occupés des sciences dans leurs relations avec l’infini, tels que Swedenborg, Saint. Martin, etc., et les écrits des plus beaux génies en histoire nu turelle, tels que Leibnitz, Buffon, Charles Bonnet, etc., on trou ve dans les monades de Leibnitz, dans les molécules organiques de Buffon, dans la force végétatrice de Needham, dans Vemboîte ment des parties similaires de Charles Bonnet, assez hardi pour écrire, en