En attendant Godot de Beckett est une pièce qui pose plus d’une interrogation au regard d’une certaine conception qui fait du théâtre le lieu de l’action. Ses personnages n’ont aucune commune mesure avec des personnages tels qu’on peut en rencontrer dans la tragédie classique, dans la comédie ou dans le drame. Pour Beckett, la scène ne connaît ni progression, ni évolution, ni transformation substantielles. C’est le théâtre de la nudité, de la condition humaine réduite à une inanité absurde, se vautrant dans des tares incurables, condamnée à une déréliction dont aucun signe avant-coureur ne vient en réduire l’acuité. En attendant Godot est une pièce où rien ne se passe ou presque, si l’on attend de ses personnages volonté et action. En effet, en la considérant dans sa plasticité, la pièce de Beckett se présente dans un décor neutre ou plutôt quasi vide, qui se démarque par son insignifiance. Mais derrière cette platitude ressentie à première vue, se cache une panoplie de thématiques que le dramaturge traite d’une manière sobre, sans fanfaronnade, comme si tout allait de soi, une procédure dramaturgique qui accroche la crédibilité du lecteur et l’absorbe dans ses replis. Y sont traités temps et espace, sens et non sens, désespoir et souffrance, parodie et ironie, être et non être, identité et différence, présence et absence, vie et mort, divin et humain, geste et parole… Dans cette pièce de l’absence et du ratage, se laisse percevoir un grouillement de petites choses qui se manifestent non sans évidence. Entre autres, il est aisé de relever le thème du langage. Celui-ci est si riche qu’il risque d’obnubiler tout le reste. Quand le personnage souffre, il parle ; quand il se réjouit, s’il se réjouit, il parle ; quand il se tait, le silence devient paradoxalement une forme d’expression. L’intérêt du langage peut être lu en filigrane dans le titre : En attendant, en l’occurrence Godot, les personnages sentent le besoin de faire quelque chose. Or, une attente n’est