Godelier

14246 mots 57 pages
Maurice Godelier

La « monnaie de sel » des Baruya de Nouvelle-Guinée
In: L'Homme, 1969, tome 9 n°2. pp. 5-37.

Citer ce document / Cite this document : Godelier Maurice. La « monnaie de sel » des Baruya de Nouvelle-Guinée. In: L'Homme, 1969, tome 9 n°2. pp. 5-37. doi : 10.3406/hom.1969.367046 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1969_num_9_2_367046

s

LA « MONNAIE DES BARUYA DE

DE SEL »

NOUVELLE-GUINÉE

par MAURICE GODELIER

I. — Le contexte théorique des recherches actuelles SUR LES FORMES D'ÉCHANGE ET DE MONNAIE DANS LES SOCIÉTÉS PRIMITIVES Avant d'analyser la « monnaie de sel » des Baruya, il nous paraît nécessaire de dessiner à grands traits le champ théorique dans lequel s'insèrent les recher ches contemporaines sur les formes primitives de monnaie. Pour les économistes classiques l'expression « monnaie primitive » eût apparu autant comme une contradiction dans les termes que comme une impossibilité dans les faits. Par définition, les sociétés primitives étaient les vestiges et témoins de l'état premier de l'homme, d'un stade où l'outillage technique et intellectuel ne permettait « pas encore » aux individus de produire plus que pour leurs besoins. Sans surplus pas d'échange, sans échange pas de monnaie. Caractérisée négativement par cette double privation, « l'économie naturelle » ne pouvait avoir d'autres but et contenu que d'assurer à l'humanité primitive écrasée par la Nature les moyens matériels de « subsister m1. Au-delà, l'histoire réelle commençait, pour s'achever dans l'ha rmonie réglée de l'économie capitaliste fondée sur l'échange universel des biens et du travail2. Cette vision cohérente ne répétait donc pas seulement, au niveau théorique, les vides d'une information ethnologique balbutiante et disparate. Elle étalait 1. A. Smith 1776, 2 : 338 : « Au contraire des nations sauvages, chez les nations civilisées et en progrès [. ..] la somme du produit du travail de la société est si grande que

en relation