Gogol
S’AUTORISER À PENSER...
Comment penser les liens entre l'histoire et le récit? Il y a mille façons de raconter son histoire : la subjectivité est labile, sensible au contexte, aux conditions de production, aux "états d'âme", à l'intériorité et aux projets qui sous-tendent le récit. On retrouve ici le tryptique entre les registres social, psychique et subjectif. On connaît tous les pièges de l'illusion biographique (pourquoi faudrait-il que la vie ait un sens?), de l'illusion finaliste (la vie s'organiserait autour d'un projet, s'inscrirait dans une finalité), de l'illusion déterministe (l'homme est une larve mammifère programmée socialement), de l'illusion rétrospective (on reconstruit le passé en fonction des exigences du présent), de l'illusion narcissique (tout récit serait avant tout une question d'image). Que d'illusions! que de pièges à éviter! Peut-on, dans un récit de vie dissocier l'objectif du subjectif? l'exposé des faits de leur interprétation? Peut-on prendre sa vie comme un objet sans être immanquablement impliqué comme sujet? Que de questions? Que de préalables pour tenter de cerner cet exercice fascinant : mettre en rapport sa propre existence et ses options épistémologiques, théoriques et méthodologiques. Et ceci devant un groupe de chercheurs "avertis" sur les arcanes de l'âme humaine et les déterminismes sociaux. D'autant que je suis moi-même considéré comme un spécialiste de ce genre de questions. Serge Doubrovsky, dans "Le livre brisé", écrit : "quand on se raconte, ce sont toujours des racontars"... et il ajoute "raconter sa vie, c'est toujours le monde à l'envers". La vie se produit dans un sens (la chronologie) et nous la racontons en sens inverse. Jusqu'à ce que le récit se substitue à la vie elle-même : "si on raconte sa vie pour de vrai, ça vous refait une existence" dit-il à la fin de son livre, après la mort de sa compagne…
1
Ma mère vient de mourir. J'ai hésité avant de m'engager dans ce