Gt Po Mes
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal. Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango murit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde occidental. Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré; Où, penchés à l'avant de blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'Océan des étoiles nouvelles. JoséMaria de Heredia (1893) Ma bohème Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal;
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées ! Mon unique culotte avait un large trou.
PetitPoucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la GrandeOurse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux froufrou. Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! Arthur Rimbaud (1870)
Voyageur, voyageur … Voyageur, voyageur, accepte le retour,
Il n’est plus place en toi pour de nouveaux visages,
Ton rêve modelé par trop de paysages,
Laissele reposer en son nouveau contour.
Fuis l’horizon bruyant qui toujours te réclame
Pour écouter enfin ta vivante rumeur
Que garde maintenant de ses arcs de verdeur
Le palmier qui s’incline aux sources de ton âme. Jules Supervielle (1956) Le Voyage Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah! que le monde est grand à la clarté