Géopolitique
L’agriculture traditionnelle reste la première source de consommation en eau (ici en Égypte) (© André Klaassen)
Par Pierre-Alain Clément (février 2010) Doctorant et chercheur résident spécialiste du Moyen-Orient à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, université du Québec (Montréal)
« Guerres de l’eau », « ruée vers l’or bleu », « siècle des guerres de l’eau » : on croise depuis quelques années ces formules comminatoires. De futurs conflits de diverses intensités sont prophétisés, avec pour enjeu le contrôle des ressources hydriques.
Le XXe siècle ayant prétendument été celui des guerres de l’or noir, les préoccupations écologiques ont nécessairement conduit les futurologues à baptiser le suivant « celui des guerres de l’or bleu ». Et que de guerres en perspective ! On peut vivre sans pétrole, pas sans eau. Pourtant, dès que l’on chausse les lunettes de l’historien, le tableau qui s’offre à nous est susceptible de relativiser ces tragiques prédictions. En recensant les violences directement liées au contrôle des aquifères depuis l’Antiquité, on arrive péniblement à une courte liste d’éruptions de violences de faible intensité : émeutes, escarmouches entre villages (1). Il s’agit presque systématiquement de violences localisées, ponctuelles et populaires. Les gouvernements ne semblent pas vouloir se laisser entraîner dans des conflits provoqués par des problèmes locaux. Tel est le paradoxe : l’unique ressource indispensable à la vie génère des tensions mineures, alors que des ressources non nécessaires, voire superflues, ont été à l’origine de conflits et d’inégalités tels que les économistes parlent de « malédiction des ressources naturelles » (2). C’est bien ce paradoxe qui parcourt les dirigeants des pays du Moyen-Orient : « With water you can make politics. With land you can make war », affirme Benyamin Netanyahou dans un congrès sur la gestion