Hannah arendt, l'histoire
L'histoire est le produit de la subjectivité de l'historien, qui porte un regard rétrospectif sur le passé en le comprenant à la lumière de l'avenir, nous dit Hannah Arendt. Le concept d'histoire change de sens dans l'extrait de la Condition de l'homme moderne que l'on se propose d'expliquer. Il ne désigne plus la série des événements passés, mais le récit qu'on en fait. Elle est faite par le « narrateur » et échappe à ses « acteurs » et n'est donc plus le produit direct des actions humaines comme on le pense généralement. H. Arendt justifie ce renversement en distinguant d'abord l'acteur et le narrateur, puis les « actions » et leur « signification », les « motifs » et le « sens », pour montrer ensuite que l'on ne fabrique pas l'histoire comme on fabrique un objet, car l'artisan et l'historien, c'est-à-dire l'acteur et le narrateur, ont des rapports inverses au temps. Le temps de l'histoire n'est pas celui de l'action singulière : c'est celui de la contemplation rétrospective. Comment s'écrit en effet l'histoire ? A-t-elle un sens unique et objectif, ou est-elle seulement subjective et susceptible de changer d'un historien à l'autre ? Peut-on la considérer comme une science ?
Le point de départ de l'analyse de H. Arendt consiste à remarquer que le terme d'histoire est ambigu et désigne soit une série de faits, ayant vraiment eu lieu, soit le récit que l'on en fait, après qu'ils se sont déroulés. Si le premier sens du terme paraît objectif, car le contenu de l'histoire se rapporte aux faits, c'est-à-dire à l'objet, le second paraît en revanche subjectif, car il dépend de la conscience que le sujet en a. Cette distinction bien connue peut faire douter de la valeur scientifique du récit des historiens. Le sens commun peut en effet tenir l'histoire qu'écrivent ces professionnels de la discipline pour « subjective », au sens péjoratif du terme, en leur déniant toute objectivité. L'historien de métier ne donne qu'une version des faits, qui est la sienne.