Heureux qui comme ulysee
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :
Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine
Introduction :
Joachim du Bellay est un poète de la Pléiade du XVI siècle. Il écrit les Regrets, exprimant ainsi sa nostalgie de son Anjou natal. Il se plaint ici aussi de l’ambiance romaine et les mœurs douteuses de la Cour pontificale.
I. Une structure caractéristique opposant quatrains et tercets
1. Une opposition de structure
- Les deux quatrains forment un groupe solidaire, et forment une phrase chacun. La référence à Ulysse, à laquelle répond le pronom personnel “ je“ de la deuxième strophe, établit un parallélisme entre les deux quatrains.
- Les deux tercets sont unis par leur structure originale de comparaison : anaphore des « Plus… ». Les deux tercets forment une entité indissociable puisqu’ils forment une seule phrase (un seul verbe conjugué : « plait »).
2. Une opposition d’ordre rythmique
- la ponctuation est parallèle entre les deux quatrains (2-3 virgules en fin de vers qui isolent chaque proposition et une ponctuation forte avec des points d’interrogations ou exclamation en fin de strophe) - s’oppose aussi à celle des tercets où la phrase est une accumulation de comparaisons terminée par un point. Les oppositions ou comparaisons se font à l’intérieur de ces groupes (« Quand… fumer », « reverrai-je… qui… »).
- les quatrains fonctionnent en