Histoire et mémoire
L’appel « Liberté pour l’histoire » a été lancé à un moment précis qui doit nous interroger : au plus fort de la contestation de la loi du 23 février 2005 qui enjoignait aux enseignants de présenter le « rôle positif » de la colonisation.
On se souvient de l’alinéa 2 de l’article 4 : « Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord. » En eff et, au moment où la protestation contre cette loi était à son comble, paraissait, dans le Libération du 13 décembre 2005, cet appel signé par dix-neuf personnalités, qui associait dans un même rejet la loi Gayssot, celle reconnaissant le génocide dont les Arméniens ont été victimes, et la loi Taubira qualifi ant l’esclavage et la traite négrière de crimes contre l’humanité. Il se terminait sur une phrase péremptoire : « Des articles de lois successives – notamment lois du
13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005 – ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites. Nous demandons l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique » (Azéma et al., 2006).
Le travail historiographique prestigieux de nombre des signataires de ce texte ne suffi t à légitimer ni le cadre de réfl exion qu’il propose ni l’état des menaces pour les historiens sur lequel il se fonde. Cette initiative soulève d’abord trois questions : quels objectifs poursuivait-elle par rapport au débat en cours ? Le corpus de lois relatives à l’histoire et l’inventaire des pressions sur les historiens qu’il prend en considération sont-ils un préalable satisfaisant ? Le texte pose-t-il bien les questions relatives à la loi Gayssot et au bilan de son application, comme celles relatives aux deux lois de 2001 ?
GILLES MANCERON
30
Une tentative