Histoire et psychanalyse
Comment Certeau conçoit-il la pluridisciplinarité ?
M. de Certeau1 conçoit la pluridisciplinarité avant tout comme une indépendance, et la lie intimement à son objet d’études (contre les plaidoyers généralistes en faveur de la pluridisciplinarité). « Cette manière de traverser un lieu de savoir, sans y avoir droit de résidence, sans y tenir un discours « autorisé », légitimé par l’appartenance à ce savoir institué, lui importait beaucoup. […] S’il n’a pas cherché à construire une épistémologie générale [selon Luce Giard], c’est que ce genre de discours lui paraissait aussi peu convainquant que les plaidoyers généralistes en faveur de l’interdisciplinarité. »2
L’interdisciplinarité est, chez M. de Certeau, intimement liée à ses objets historiques d’élection (la langue des textes mystiques, l’enquête de l’abbé Grégoire sur les patois au temps de la Révolution, les troubles politiques des sociétés contemporaines, etc.) : lui permettant de renouveler ses manières d’interroger les questions qui le préoccupaient, l’anthropologie, la linguistique, la philosophie, ou bien encore la psychanalyse, lui fournissent, suivant la nature de l’objet étudié, des angles différents sous lesquels pousser plus loin son analyse. Chez M. de Certeau, c’est donc le prisme analytique pluridisciplinaire qui s’adapte à l’objet d’histoire, et non l’inverse. Ainsi, selon Luce Giard, « le déplacement entre des domaines de savoir a concerné, malgré les apparences, moins le choix des thèmes de réflexion, assez tôt déterminés, que la recherche d’un terrain propice à leur élucidation et à leur saisie par des procédures explicitées et contrôlables. »3
La conception de Certeau est ainsi assez proche de celle du psychanalyste Pierre Aulagnier, qui rapportait « que sa pratique clinique lui imposait une « libre théorisation flottante », au sens où elle disposait d’éléments théoriques qu’elle n’allait pas appliquer directement au patient, mais qui lui servaient de point