Histoire Vraie
HISTOIRE VRAIE
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Un grand vent soufflait au-dehor s, un vent d'automne mugissant et galopant, un de ces vents qui tuent les dernières feuilles et les emportent jusqu'aux nuages.
Les chasseurs achevaient leur dîner, encore bottés, rouges, animés, allumés. C'étaient de demi-seigneurs normands, mi-hobereaux, mi-paysans, riches et vigoureux, taillés pour casse r les cornes des bœufs lorsqu'ils les arrêtent dans les foires.
Ils avaient chassé tout le jour sur les terres de maître Blondel, le maire d'Éparville, et ils mangeaient maintenant autour de la grande table, dans l'espèce de ferme-château dont était propriétaire leur hôte.
Ils parlaient comme on hurle, riaient comme rugissent les fauves, et buvaient comme des citernes, les jambes allongées, les coudes sur la nappe, les yeux luisants sous la flamme de s lampes, chauffés par un foyer formidable qui jetait au plafond des lueurs sanglantes ; ils causaient de chasse et de chiens. Mais ils étaient, à l
'heure où d'autres idées viennent aux
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Quandjefusderetour,j'apprisqu' elle était venue chaque semaine au château me demander. Et j'étais à peine arrivé depuis une heure que je la vis arriver avec un marmot dans ses bras. Vous me croirez si vous voulez, mais ça me fit quelque chose de voir ce mioche. Je crois même que je l'embrassai.
Quand à la mère, une ruine, un squelette, une ombre. Maigre, vieillie.
Bigre de bigre, ça ne lui allait pas, le mariage ! Je lui demandai machinalement :
« Es-tu heureuse ? »
Alors elle se mit à pleurer comme une source, avec des hoquets, des sanglots, et elle criait :
« Je n' peux pas, je n' peux pas m' passer de vous maintenant. J'aime mieux mourir, je n' peux pas ! »
Elle faisait un bruit du diable. Je la consolai comme je pus et je la reconduisis à la barrière.
J'appris en effet que son mari la battait ; et que sa belle-mère lui rendait la
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vie dure, la vieille chouette.
Deux jours après elle revenait. Et elle me prit