Hume
Juste au-dessous du ridicule attaché au fait de nier une vérité évidente, se trouve celui qui consiste à prendre beaucoup de peine pour la défendre; et aucune vérité ne me paraît plus évidente que de dire que les bêtes sont douées de pensée et de raison tout comme les hommes. Les arguments sont dans ce cas si manifestes qu'ils ne peuvent échapper à l'homme le plus stupide et le plus ignorant.
En adaptant des moyens à des fins, nous avons conscience d'être nous-mêmes guidés par la raison et l'intention, et de ne pas accomplir sans le savoir ni sans le vouloir ces actions qui tendent à assurer notre propre conservation, à obtenir le plaisir et à éviter la douleur. Par conséquent, lorsque nous voyons d'autres créatures, en des millions de cas, accomplir des actions semblables et les diriger vers des fins semblables, tous nos principes de raison et tous nos principes de probabilité nous poussent avec une force invincible à croire à l'existence d'une cause semblable. Il n'est pas besoin, à mon sens, d'illustrer cet argument par l'énumération de cas particuliers. L'attention la plus légère nous en fournira plus qu'il n'est nécessaire. La ressemblance entre les actions des animaux et celles des hommes est si complète sur ce point que la première action venue du premier animal qu'il nous plaira de choisir nous offrira 'un argument incontestable en faveur de la présente doctrine.
Cette doctrine est aussi utile qu'évidente, et elle nous procure une sorte de pierre de touche, au moyen de laquelle nous pouvons mettre à l'épreuve tous les systèmes existants dans ce genre de philosophie. C'est d'après la ressemblance des actions extérieures des animaux avec celles que nous accomplissons nous-mêmes que nous jugeons que leurs actions internes ressemblent également aux nôtres, et le même principe de raisonnement, poussé un peu plus loin, nous fera conclure que, puisque nos actions internes ressemblent les unes aux autres, les causes dont elles procèdent