Intervention humanitaire: questions et reflexions
DONATELLA LUCA*
Résumé Cet essai examine un certain nombre de questions que soulèvent les notions d'intervention humanitaire et de 'droit ou devoir d'ingerence', et soumet quelques réflexions mettant en relief leur complexité. L'auteur tente d'abord de clarifier les concepts de 'droit' et de 'devoir', qui sont indifféremment utilisés dans les expressions 'droit/devoir d'ingerence', 'droit/devoir d'assistance', etc. Elle rappelle qu'un droit implique ce qui est exigible, un fondement juridique sur lequel on peut baser une revendication. Un devoir est une obligation morale définie par un système de valeurs. L'auteur passe ensuite en revue l'état actuel du droit international: résolutions de l'Assemblée Générale des Nations Unies, dispositions des Conventions de Genève de 1949 et de leurs Protocoles de 1977, jugement de la Cour Internationale de Justice dans les Activités militaires et paramditaires au Nicaragua. Elle note que si Ton accepte le fait que les victimes ont un droit à étre secourues, l'obligation de leur fournir une assistance n'a pas encore de règles normatives formelles. L'auteur montre également l'opposition qui caractérise les relations entre l'individu et l'Etat, et qui donne deux faces au droit international: l'une qui régit les droits relatifs à l'Etat, l'autre qui gouverne le droit international humanitaire pris au sens large. Dans la section suivante, l'auteur aborde le concept de souveraineté sur lequel s'appuie l'ordre juridique international. Elle examine en particulier les questions du consentement de l'Etat a l'assistance humanitaire, les difficultés qui surgissent lorsque celui-ci est refusé, I'érosion de l'idee de souveraineté absolue, et le rôle de substitution que la communauté internationale pourrait jouer dès le moment où l'Etat n'assumerait plus sa responsabilité première de secourir les victimes dc situations d'urgcncc. L'usagc de la force pour achcminer I'aide humanitaire est