"Tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat." Tout langage stéréotypé devient aberrant. C'est ce que Ionesco démontre dans Rhinocéros, pièce qui a tout d'abord vu le jour sous la forme d'une nouvelle. Partisan d'un théâtre total, il porte l'absurde à son paroxysme en l'incarnant matériellement. Allégorie des idéologies de masse, le rhinocéros, cruel et dévastateur, ne se déplace qu'en groupe et gagne du terrain à une vitesse vertigineuse. Seul et sans trop savoir pourquoi, Bérenger résiste à la mutation. Il résiste pour notre plus grande délectation, car sa lutte désespérée donne lieu à des caricatures savoureuses, à des variations de tons et de genres audacieuses et anticonformistes. La sclérose intellectuelle, l'incommunicabilité et la perversion du langage engendrent des situations tellement tragiques qu'elles en deviennent comiques, tellement grotesques qu'elles ne peuvent être que dramatiques. On a dit du théâtre de Ionesco qu'il était engagé ; il l'est, en faveur de l'individu, menacé de marginalisation quand, malgré ses faiblesses, il parvient à résister aux tentations avilissantes qu'il a lui-même fait naître.
Le courant littéraire auquel appartient Rhinocéros :
Le Théâtre de l'absurde, dont Ionesco est, avec Beckett, l'un des chefs de file. Apparu dans les années 50, ce théâtre met en scène l'absurdité de l'existence, qui ne peut se solder que par la mort. Le traumatisme de la seconde guerre mondiale a sans doute contribué à forger cette vision pessimisme du monde. Dans les pièces de Ionesco ou de Beckett, les personnages sont dans l'incapacité de trouver un sens à leurs actes ou à leurs mots : souvent cela fait rire, mais ce rire est noir et renvoie à des sujets très graves.
Le personnage principal :
Bérenger :
Dans une ville où tous les habitants commencent à se transformer en rhinocéros, Bérenger est le seul à réagir humainement, et à s'affoler face à la métamorphose. Alors que tous ses proches succombent à la