Jacques marseille
Dans les années 1950, la France s’est séparée de son empire colonial, qui représentait pourtant plus du tiers de ses échanges commerciaux, et la quasi-totalité de ses investissements extérieurs. Néanmoins, la croissance française ne semble pas avoir été grandement affectée par ce bouleversement. Ce constat paradoxal soulève plusieurs questions. La colonisation a-t-elle vraiment été profitable à la France ? L’empire colonial fut-il pour le capitalisme français un moteur, ou plutôt un frein ? Avant toute chose, il faut déjà discerner le vrai du faux dans le bilan colonial de la France.
Marseille souligne d’abord les inconvénients de l’approche historique classique de la colonisation, trop concentrée sur des aspects politiques. Elle est aussi critiquable parce qu’elle insiste sur le faible poids des empires coloniaux dans le commerce et les investissements métropolitains avant 1914, et néglige totalement le rôle croissant qu’ont joué les empires après la première Guerre mondiale. L’approche marxiste-léniniste se montre relativement plus adéquate. Elle propose d’autres explications du phénomène impérialiste, et met notamment en cause le capital financier, c’est-à-dire la concentration croissante des entreprises, qui finit par donner aux banques un poids prédominant. Ce stade suprême du capitalisme étant atteint, Hilferding estimait qu’il n’y avait plus qu’à obtenir de nouveaux débouchés pour stimuler la demande et retrouver la prospérité. Plus généralement, les auteurs marxistes soutiennent que la mauvaise distribution du pouvoir d’achat dans la société crée la sous-consommation, poussant ainsi les entreprises à étendre leur domination, surtout sur des pays sous-développés où les profits à réaliser sont plus élevés. Mais à trop souligner le poids commercial et financier croissant de l’empire, on oublie que sa perte n’a pas eu de conséquences néfastes. Au contraire, la métropole a connu