Le motif du jardin, tel qu'il est mis en scène dans la littérature de l'époque médiévale, forme donc un topos , dans tous les sens que le Moyen Age donne à ce terme : il est un lieu commun, c'est-à-dire "un cliché d'emploi général" dont la composition est strictement codifiée. Mais il est aussi un topos dans le sens que lui donne la rhétorique classique que reprennent les clercs : c'est alors une sructure qui permet de trouver des arguments dans le discours. Articulation essentielle de celui-ci, il aide la pensée à progresser. Le topos du jardin, c'est donc tout à la fois une forme figée dont on a dégagé les grandes lignes - les ombrages, les fleurs, les oiseaux, la température idéale, la source...- et un dispositif qui induit une progression logique - quand le poète entre dans le jardin, il adopte un comportement type, chanter l'amour, par exemple -. Le jardin ressort donc aussi bien de l'art de la description que de la pratique argumentative. Dans ces deux emplois, le topos du jardin se pose comme le fruit d'une tradition, puisqu'il doit être l'objet d'une reconnaissance de la part du lecteur ou du spectateur, qui a à l'esprit la variété de ses formes et de ses fonctions potentielles. Ce topos est en effet l'héritier d'une longue tradition, qui a légué au Moyen Age l'image du lieu idéal. Le jardin trouve ses sources tant dans le domaine profane que dans le domaine religieux : il est le fruit, avant toute chose, du locus amoenus antique, mais aussi du paradis chrétien et des lieux de culte païens. Ainsi, le topos du jardin, pour le poète et le lecteur médiéval, se pose comme un aboutissement : il est le fruit d'une multitude d'influences que les clercs médiévaux se plaisent à souligner, et ce n'est pas une forme à inventer, mais à réutiliser. Au cours de notre étude, il a donc été indispensable de prendre en compte cette tradition dont se réclame le jardin médiéval. Cependant, l'observation du topos du jardin a montré que cette conception était à