Jean paul sartre
II y a vingt ans, en plein nocturne de la guerre, paraissait, chez Gallimard, un gros livre de 724 pages. L'être et le néant, charte philosophique de l'existentialisme français. La même année, le public parisien était convié aux Mouches, où iï applaudissait des allusions voilées à l'occupant, mais aussi l'appel à la liberté en face de tout absolu. Récemment revenu de captivité, et alors professeur de Khâgne à Condorcet, l'auteur était déjà connu par trois bonnes études de psychologie, quelques articles et un roman. Sa célébrité allait devenir universelle. Après l'extraordinaire poussée de l'immédiate après-guerre, l'engouement pour la personne et l'œuvre de Sartre est aujourd'hui sans doute en déclin. Dans bien des cercles, son influence est cependant vivace encore. Son œuvre est considérable par son extension (25 volumes), par sa variété, sa richesse et sa valeur ; les problèmes qu'elle pose ne peuvent laisser personne indifférent. Le chrétien surtout est immédiatement concerné par la négation radicale de Dieu : Sartre est un type très pur, un classique de l'athéisme contemporain.. Par la coexistence complémentaire de multiples aspects, — philosophie, littérature, théâtre, engagement politique, — il représente un cas assez exceptionnel. Son talent est grand, son intelligence puissante, son style souvent remarquable, son invention verbale prodigieuse. Voilà bien des raisons d'étudier sa pensée : d'autant plus qu'elle est difficile, non seulement par ses thèmes, mais par son caractère mystérieux, cryptographique. Elle donne lieu à bien des méprises : l'immoralité évidente de certains de ses romans laisse supposer en Sartre un immoraliste, alors qu'il est préoccupé de morale et qu'il fait appel à la volonté, qu'il exalte la liberté- L'apparence de son matérialisme dissimule sa foi à l'existence de l'esprit. Son athéisme signale peut-être une recherche d'absolu. Et il faut se garder du contresens de