La corde
« La Corde »
Baudelaire
Introduction
Situation
La Corde est mon 30ème poème du Spleen de Paris. Sa lecture peut faire penser au Gâteau, au joujou du pauvre puisqu’il montrerait ce qu’est un enfant débarrassé de la « répugnante patine de la misère », ou encore aux yeux des pauvres, et à tous ces poèmes qui développent le thème de l’enfance associé à celui de la pauvreté. On voit alors la spécificité et l’intérêt de la corde : l’enfant, pauvre, prendrait l’ascenseur social et, pourrait- on dire intellectuel, avec le peintre à la faculté de rendre la vie plus vivante et plus significative. La réponse est pour le moins celle de l’échec puisque l’enfant se suicide. Mais, il ne s’agit pas simplement d’un constat d’échec : cet échec devient surnaturalité, voile fantastique imprégnant la réalité que le discours du peintre veut pourtant rationaliser. C’est pourquoi Roger Blin classe ce poème parmi les « histoires extraordinaires ». On peut alors se demander la destination réelle de la dédicace du poème, car, adressée explicitement à Manet, elle pourrait aussi être une dédicace posthume à Poe puisque le poème répond aux critères esthétiques de l’écriture de Poe, ainsi qu’aux démons de sa vie, la tristesse, l’alcool et le suicide. En effet, si l’on relit les Notes et Notes nouvelles sur Edgar Poe, on peut avoir le sentiment que Baudelaire ajoute, dans ce poème, un saint nouveau au martyrologe, en racontant la mort d’une nouvelle victime de cette grande barbarie éclairée au gaz, tant cet enfant dont on ne connaît pas le nom semble traverser, certes de façon précoce, les mêmes épreuves que l’auteur des Histoires : le goût pour l’alcool et les liqueurs comme seul échappatoire, devenant maladie incomparable comme il est écrit dans le Chat noir (« Quelle maladie est comparable à l’alcool ! »), et cette maladie se faisant à son tour instrument d’un suicide « préparé depuis longtemps » parce que, chez lui, « L’amour insatiable du beau avait pris la