La courbe de tes yeux
présente
un poème de Paul ÉLUARD
(1924)
‘’La courbe de tes yeux’’
«La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur, Un rond de danse et de douceur, Et si je ne sais plus du tout ce que j'ai vécu Auréole du temps, berceau nocturne et sûr, C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée, Roseaux du vent, sourires parfumés, Ailes couvrant le monde de lumière, Bateaux chargés du ciel et de la mer, Chasseurs des bruits et sources des couleurs,
Parfums éclos d'une couvée d'aurores Qui gît toujours sur la paille des astres, Comme le jour dépend de l'innocence Le monde entier dépend de tes yeux purs Et tout mon sang coule dans leurs regards.»
Analyse Dans ce poème, qui est formé de trois strophes de cinq vers (des quintils) légèrement irréguliers, discrètement rimés, mais nettement ponctués, Éluard peint un blason de la femme aimée (Gala), «blason» étant le nom qu’on donne à un poème qui décrit une personne. Il fait son éloge à partir de la description très concrète de ses yeux (forme, couleur, mouvements…, les images ne se succédant pas selon un strict arbitraire surréaliste, ayant toutes un point commun avec les yeux). Puis il passe à l’évocation du bonheur de leur couple, qui est dépassé par une ouverture sur le monde.
Dans la première strophe, qui forme une phrase, la courbe des yeux de la femme aimée circonscrit le coeur du poète. Un riche champ lexical dénote clairement la figure géométrique du cercle : «courbe» (vers 1), «tour» (vers 1), «rond» (vers 2), «danse» (vers 2), «auréole» et «berceau» (vers 3). L’apposition du vers 2, «Un rond de danse ou de douceur», qui rend les mouvements des yeux mobiles et vifs, après le dynamisme du son «r», rend l’ondoiement de la courbe des yeux par la succession des diphtongues et des «d». Dès le premier vers, un parallélisme de construction met en valeur la symétrie