La crise de l'agriculture americaine
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Lorsqu'on entend parler de «crise agricole» on pense qu'il s'agit de mauvaises récoltes, de productivité du travail insuffisante, d'une incapacité à faire front avec des techniques appropriées aux besoins alimentaires de la population: on pense, en d'autres termes, qu'une des sept plaies de l'Égypte s'est abattue sur le pays. On entend parler partout des quatre cents millions d'hommes qui souffrent de la faim ou qui, au moins, ne mangent pas suffisamment; on devrait croire que la «crise agricole» naît de l'impuissance à produire ce qu'il faut pour rassasier les «sous-alimentés».
Eh bien non! Le paradoxe de l'économie capitaliste réside en ce que, au moins pour ce qui concerne les États-Unis, on produit... trop: trop, entendons-nous, pour une société divisée en classes dans laquelle, bien qu'on proclame bruyamment l'extension du bien-être, de larges zones restent, comme on dit aujourd'hui, «déprimées» et ne disposent pas d'un revenu suffisant pour répondre aux stimuli de l'appétit.
Depuis des années, comme c'est bien connu, la politique agricole du gouvernement américain consiste à essayer de conjurer la catastrophe que seraient, non pas des récoltes trop maigres, mais des récoltes trop abondantes. En fait, cette économie bourgeoise qui proclame que son objectif suprême est la satisfaction des exigences de tous, ne fonctionne au contraire qu'à la condition que demeure insatisfaite une marge de besoins telle qu'elle empêche les prix des articles de large consommation de diminuer jusqu'au point où ils ne laisseraient plus de profit suffisant pour le producteur. Dans ce but, et alors que les économistes et sociologues officiels attestent que l'alimentation humaine, vue à l'échelle générale, est terriblement insuffisante, le gouvernement américain s'est employé ces dernières années à freiner le développement de la production agricole et spécialement alimentaire, soit en réduisant la surface cultivée, soit en