la curée
Aristide, troisième fils de Pierre et de Félicité Rougon, en chien de meute malhabile, n’a pas « senti le vent» en affichant des opinions républicaines lors du coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, il a compromis ses chances de mordre aux jouissances de « la curée ». Monté à Paris avec sa femme Angèle, il obtient néanmoins de son frère Eugène, devenu ministre d’État, une embauche à la Ville de Paris dont il surprend les projets immobiliers : Napoléon III a confié au nouveau préfet de la Seine, le Baron Haussmann, la tâche de restructurer la capitale. Haussmann a prévu de tailler dans le vif du tissu urbain, d’éventrer Paris d’est en ouest et du nord au sud, dessinant ainsi la « grande croisée » qui désenclavera le centre historique de Paris. A ce premier réseau, s’articuleront des boulevards rayonnant du centre à la périphérie. Un troisième réseau ouvrira Paris sur les communes annexées, au-delà du mur des fermiers généraux.
Pour réaliser ces plans ambitieux, il faudra exproprier et indemniser les propriétaires. La mort d’Angèle donne à Aristide l’occasion de le devenir : il apprend qu’une jeune bourgeoise de vieille famille, Renée Béraud du Châtel, enceinte d’un homme marié, cherche à « acheter » un époux. La dot comprend des immeubles expropriables. Pour le spéculateur, c’est la fortune. Aussitôt que la décence le permet, Aristide, qui a pris le nom de « Saccard, parce qu’il y a de l’argent dans ce nom-là », épouse la jeune femme. Sans rien lui révéler des projets d’Haussmann, il lui achète une maison promise à la pioche des démolisseurs par l’intermédiaire d’un prête-nom et fait artificiellement gonfler la valeur des indemnités d’expropriation par des ventes fictives. Il se sert ensuite de Renée comme d’une mise de fonds : comment les banquiers refuseraient-ils d’ouvrir leur bourse à un homme qui fait ruisseler l’or et les diamants sur les épaules de sa femme ? Véritable alchimiste de l’haussmannisation, il dore le plomb de