La dent d'or
Curieux, cultivé et d’une grande intelligence, passionné de sciences et animé d’une grande foi dans le progrès, ennemi de l’obscurantisme, tenant d’un rationalisme critique, Fontenelle apparaît surtout aujourd’hui comme le premier des philosophes des Lumières. En 1687, sa Digression sur les Anciens et les Modernes, référence à la fameuse querelle, lui vaut d’être élu à l’Académie française (1691). Il prend naturellement fait et cause pour les Modernes, raillant l’esprit borné et passéiste des tenants de la tradition classique, ce qui lui vaudra d’être attaqué par les dévots qui entourent Louis XIV.
1. Scepticisme scientifique :
Fontenelle oppose la science universitaire théorique qui ne se fonde que sur des on-dit (le bruit courut) et le bon sens pratique (Quand un orfèvre l'eut examinée). Lui-même dans la narration centrale apporte au contraire des détails très précis : l’époque (En 1593), le lieu (Silésie), l’enfant (âgé de sept ans) ; il est également très précis sur la succession temporelle des événements (1593, 1595, la même année, deux ans après). La narration est entourée de remarques méthodologiques qui se répondent : les trois occurrences du mot cause dans le premier paragraphe évoquent assez l’importance quasi obsessionnelle de ce mot chez les savants. A cette recherche des causes (héritée de l’aristotélisme) Fontenelle oppose la réalité (fait / la vérité du fait / ce qui n'est point) ; le dernier paragraphe reprend en parallélisme cette opposition entre la raison et la réalité (les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue […] celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison). Cette opposition est à nouveau répétée en parallélisme dans la dernière phrase : dans cette variation, Fontenelle reprend l’antithèse du début entre le vrai et le faux, en faisant de la recherche (prématurée) de la cause l’origine même de notre ignorance.
Par ce brillant paradoxe, Fontenelle pose donc les principes de la science