La différence n'est pas le contraire de l'harmonie mais sa condition. là où la différence fait défaut, c'est la violence qui menace
I- Réflexions sur et autour du sujet
1. Le champ
« Chacun appelle barbant ce qui n'est pas de son usage ». Par ces mots, Montaigne appelle à admettre que ce qui est différent de ce que l'on connaît a une valeur. Il critique l’attitude assez répandue qui pousse parfois les individus comme les sociétés à porter un jugement de valeur « négatif » sur ce qui est différent, en fonction de ce qu’ils considèrent comme la « norme ».
Dans « La violence et le sacré », René Girard montre fort bien le rôle unificateur de l'altérité, grâce à la fonction d'exécutoire de l'agressivité que tient le « bouc-émissaire », victime du sacrifice nécessaire à la cohésion du groupe social. Depuis, faut-il le déplorer, d'autres modes de « régulation sociales » ont vu le jour. Mais jamais, la différence n'aura été autant revendiquée que dans nos sociétés occidentales post-modernes. Cette forte demande sociale révèle, en fait, un problème aigu qui découle directement de l’essor de l'indifférence et de l'égoïsme qui entraîne peu à peu la dilution du lien social.
L'association étroite qu'établit René Girard entre « l'harmonie » et la « différence » peut sembler de prime abord contre-intuitive, éventuellement contradictoire. Elle se justifie pourtant dès lors que l’on accepte de définir l'harmonie comme un processus, une dynamique, un équilibre social qui se construit perpétuellement grâce aux interactions entre les membres du corps social. C’est ce que le philosophe allemand Jürgen Habermas cherche à exprimer à travers le concept de « l'agir communicationnel » (1987), terme apparemment ésotérique qui désigne en fait « le processus de construction de la démocratie au quotidien ».
Finalement, l'harmonie ne doit pas être définie comme un « état stable » de cohésion sociale. Elle ne peut exister sans repères forts, sans