La différence n'est pas le contraire de l'harmonie mais sa condition. là où la différence fait défaut, c'est la violence qui menace
Luc Vendramin
Désir et besoin
Rapport provisoire sur la médiation, son statut et ses ressources
Deux approches théoriques de la question du désir se distinguent généralement, chacune exclusive de l’autre. La première se concentre sur l’individu, sur un plan ontogénétique. La seconde adhère à la phylogenèse, et considère le désir comme un élément soumis aux variations historiques collectives. Dans les deux orientations, on touche à d’indéniables éléments de vérité, mais leurs principaux défauts demeurent d’abord de s’ignorer réciproquement, rompant ainsi toute chance de situer la dialectique qui, selon toute vraisemblance, relie l’une à l’autre ; puis de postuler l’une comme l’autre un « en-deça » du désir, le besoin, comme une base stable, que l’on peut considérer comme mesure invariable du désir (lequel est dès lors invalidé comme vaticination arbitraire), ou que l’on peut au contraire rejeter comme stade primitif et misérable de l’humanisation (justifiant ainsi l’inflation illimitée de la concupiscence marchande). Dans cette référence au besoin se trouvent fondés tous les courants, qu’ils soient réformateurs ou plus ouvertement soumis au présent : et par la pauvreté de cette référence, ils se trouvent également caractérisés comme moralistes, et donc réfutés.
Aux débuts de la société bourgeoise, la dichotomie conceptuelle entre besoin et désir ne faisait que reproduire passivement dans le champ théorique le clivage de la société en classes : le besoin figurant la condition prolétarienne, et le désir le luxe bourgeois. Désormais, par suite de la concentration de la classe bourgeoise et par suite de la dissolution de la culture et du mode de vie bourgeois par le capital lui-même, c’est d’une autre opposition qu’il s’agit : de celle entre la propagande marchande et la réaction qu’elle programme (une sorte de néo-stoïcisme qui peut adopter des couleurs ouvriéristes ou terroiristes en Occident, ou plus ouvertement