La disparition de la langue française
Revista da Faculdade de Letras — Línguas e Literaturas, II Série, vol. XXIII, Porto, 2006 [2008], pp. 361-376
LA DISPARITION DE LA LANGUE FRANÇAISE D’ASSIA DJEBAR: un roman qui pose les questions francophones.
JOSÉ DOMINGUES DE ALMEIDA jalmeida@letras.up.pt 361
Dans un récent article1, Dominique Rabaté insistait sur l’apport de la littérature française venue d’ailleurs à l’enrichissement, voire le rayonnement de lettres françaises, en mauvaise passe, si l’on accorde quelque crédit aux chants du cygne de ces dernières années2. Ces écritures francographes élaborées dans des contextes autres, parce que marqués par des histoires lointaines ou récentes, souvent refoulées, ont permis à la littérature française contemporaine de se revitaliser au-delà, ou à côté, des recettes narratives héritées du Nouveau Roman ou de la furie textuelle des années septante, minimalisme et postmodernité confondus. Elles procurent à l’écriture de langue française une chance inouïe de se positionner au-delà du soupçon qui l’a fortement imprégnée,
Cf. Dominique Rabate, «Etat de la prose», in Prétexte, n.º 21/22, printemps 1999, p. 95. 2 Cf. aussi bien Henri Raczimow, La mort du grand écrivain, Paris, Stock, 1994 et Jean-Marie Domenach, Le crépuscule de la culture française ?, Paris, Plon, 1995.
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fit son attrait pendant plusieurs décennies, et finit par s’avérer une faiblesse ou un handicap face à la vitalité des romans nord et sud-américains. Il s’agit de fictions narratives écrites dans les marges francophones du système symbolique et culturel parisien, et qui dérogent, dès lors, à la centralité lutétio-française de l’édition et de la critique. Ce constat entraîne la prise en charge des francophonies3 et de leur statut face à la France littéraire et à ses conditionnements; ce qui touche au lutétiotropisme, à la centralité unique, exclusive et géosymbolique de Paris dans le cadre de