La fac
LITTERATURE, SOCIOLOGIE ET SOCIOLOGIE DE LA LITTERATURE
A propos de lectures sociologiques de A la Recherche du Temps perdu
Peut-on mettre en évidence une théorie sociologique sous-jacente à un texte littéraire ? A partir de l'analyse de trois ouvrages récents proposant des interprétations sociologiques de A la Recherche du Temps perdu, de Proust, l'auteur montre qu'une telle entreprise aurait gagné à être précédée d'une réflexion sur l'écriture littéraire et l'écriture sociologique ainsi que sur les visées de l'écrivain. Cet élargissement des préoccupations de la recherche au romancier (en plus du texte), aurait paradoxalement montré l'intérêt de prendre en compte les enseignements de l'analyse textuelle dans ses composantes stylistique et narratologique, en empêchant de considérer le monde fictionnel proustien comme une réalité et le texte qui nous permet de le connaître comme un simple compte rendu objectif.
Plusieurs ouvrages récents s'attachent à présenter Proust comme sociologue, et à expliciter la théorie sociologique dont A la Recherche du Temps perdu serait une traduction ou une illustration (Belloï, 1992 ; Bidou-Zachariasen, 1997 ; Dubois, 1997)1. Cette démarche, appliquée à un auteur de fiction, n'est pas nouvelle. Les descriptions du monde social dues à Balzac, Flaubert et Zola ont été considérées dès la fin du XIXe siècle comme indépassables, alors que, la légitimité de la démarche sociologique ne s'étant pas encore imposée à tous dans l'université, il apparaissait encore pleinement justifié à beaucoup de vouloir faire œuvre de sociologue dans un roman (Lepenies, 1990). Aujourd'hui encore, les lecteurs non sociologues qui considèrent que la lecture de ces auteurs dispense de celle des
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Je tiens à remercier les membres du comité de rédaction de la Revue française de sociologie, ainsi que Vincent Hecquet et