La fonction du jazz dans échenoz et laferrière
Dans les deux œuvres étudiées, soit Comment faire l’amour à un nègre sans se fatiguer (CFANF pour référence future) de Dany Laferrière et Cherokee de Jean Échenoz, le jazz est la pièce maîtresse de chacune des deux narrations, le fil conducteur de chacun des textes. Une grande place est accordée à la musique, que ce soit par l’énumération de multiples grands noms du jazz ou par une effervescente passion transmise par les personnages. Cependant, malgré certaines ressemblances, nous pouvons dire que les deux auteurs ne transmettent pas leur amour du jazz de la même façon et que cette musique n’exerce donc pas la même fonction dans chacun des deux romans.
Dans un premier lieu, nous avons affaire à un auteur (Laferrière) d’origine haïtienne ayant vécu plusieurs années dans son pays natal avant de devoir se réfugier en Amérique du Nord à cause de la situation politique précaire régnant là-bas et de son statut de journaliste. À René Ferron, en 1991, il confie qu’en arrivant au pays en 1978, « il a voulu prouver aux Blancs, c’est-à-dire aux Montréalais de souche, qu’un Haïtien, un nègre, pouvait faire quelque chose aussi, arriver dans cette ville et d’une certaine façon, la conquérir. » Pour arriver à faire sa place, cela n’a pas été de tout repos : il a souvent été discriminé à cause de la couleur de sa peau et a eu beaucoup de mal à se trouver un emploi à cause de sa qualité d’immigrant illégal. CFANF a été son premier roman, où le héros était une projection de lui-même. C’est aussi ce roman qui l’a fait découvrir sur la scène québécoise et lui a permis de sortir de sa condition de travailleur illégal noir. Alors, lorsqu’un auteur traînant ce bagage, écrit un roman dont le titre contient un mot à connotation fortement raciste (nègre), et utilise comme fil conducteur la musique jazz dont, comme nous le savons, l’histoire est intimement mêlée aux évènements qui ont marqué la société noire,