La fonction du roman
[Article paru dans : Mémoires de la Société de Linguistique de Paris, n.s., V, 1997 (« Grammaticalisation et reconstruction »), p. 103-121.]
QUELQUES FAITS DE GRAMMATICALISATION DANS LE SYSTEME VERBAL BERBERE. par Salem CHAKER
Résumé
L’exploration morphogénétique du système verbal berbère dans sa diversité dialectale synchronique met en évidence, dès une date très ancienne (« proto-berbère »), des stratégies multiples de renouvellement/spécification sémantique du système par la grammaticalisation d’unités de nature très diverse : systématisation d’allongements consonantiques et vocaliques d’origine expressive, menant à la constitution de nouveaux thèmes verbaux fondamentaux ; (trans-)grammaticalisation d’unités déictiques, de locatifs et de subordonnants, sous la forme de préverbes spécifiant les thèmes primitifs d’aoriste et d’aoriste intensif ; grammaticalisation avancée d’anciens auxiliaires verbaux, marquant diverses valeurs temporelles (futur/passé/concomitance-actualité) ; enfin, recours à d’innombrables auxiliaires verbaux, appartenant aux classes lexico-sémantiques du mouvement, des attitudes physiques, de l’état et de la durée... pour apporter au verbe auxilié de subtiles nuances aspectuelles, temporelles et/ou modales. Et, malgré l’absence de témoignages conséquents sur les formes anciennes de la langue, la dialectologie, par la comparaison des multiples formes de l’infinie variété du berbère, permet de reconstruire assez aisément les processus diachroniques et de proposer, dans la plupart des cas, des étymologies solides et des chaînes de grammaticalisation cohérentes.
* Malgré la rareté et l’obscurité des témoignages sur ses formes anciennes et son développement historique, la langue berbère est un objet particulièrement intéressant du point de vue de l’étude des processus de grammaticalisation. Le paradoxe n’est qu’apparent : si, faute d’une véritable tradition écrite, nous n’avons pas d’accès direct aux évolutions de la langue, nous