LA GLOIRE DE THIERRY HENRY

Si la main de Thierry Henry est devenue « l’affaire de tous », selon le titre d’un quotidien, c’est que les concepts fondamentaux de toute pensée, ceux qui imprègnent et organisent la vie quotidienne de tout un chacun, sont ici, concrètement, en jeu : la justice, le destin, Dieu, le hasard, le rapport à la loi, le rapport à l’autre, la vérité, la véracité, et enfin, la gloire du nom propre, si chère au héros homérique.
A toute chose Achille préfère sa réputation, ce qu’on dira de lui dans les siècles des siècles. Sa gloire, son « kléos », est ce qu’il a de plus précieux. L’étymologie apparente ce mot grec à ce qui passe par l’oreille, à ce qui est entendu, un psychanalyste a donc son mot à dire. Thierry Henry a-t-il souillé à jamais son « kléos », et accessoirement celui de son peuple ? Tout le monde a un avis. L’épisode n’est pas seulement un « fait de jeu », c’est un psychodrame national et international, et c’est un drame philosophique. Il y va du sens de l’existence aujourd’hui, ce qui chatouille chacun au point exquis de son fantasme.
Quand Maradona marqua de la main au Mondial de 1986 contre l’Angleterre sans que l’arbitre n’intervienne, ce fut en Argentine une explosion de joie. Le but volé vengeait la guerre des Malouines. Que l’arbitre ait regardé ailleurs, c’était le signe que Dieu était passé du côté argentin. Le sportif sut magnifiquement traduire le sentiment de fierté alors éprouvé par une nation unanime en parlant de « la main de Dieu ». C’était un véritable Te Deum.
Le contraste est saisissant avec la tonalité dépressive des réactions nationales à la main de Thierry Henry. Il est clair que les Français ont renié le privilège de peuple élu que leur conférait l’adage antique, Gesta Dei per Francos, « l’œuvre divine se réalise par les Francs ». Ils ne croient plus qu’aux règles, les mêmes pour tous. Ils sont devenus les dévots de ces « formalités prescrites » dont les abreuve leur administration. De ce fait, ce qui