La gourmandise
LA GOURMANDISE, LA NOURRITURE ET LE SACRE
‘Gourmand’ (qui viendrait de gourm, gorge) n’a pas la même origine que ‘gourmet’ (à l’origine, ‘valet chargé de conduire les vins’). ‘Gourmand’ a longtemps signifié ‘qui mange avec voracité, de manière excessive1’, ce qui explique que la gourmandise a été considérée comme un péché. Ce n’est que depuis le XVII ème siècle que le mot ‘gourmand’ signifie ‘qui aime la bonne cuisine et est exigeant en matière de nourriture’ (Le Robert). Le Littré a une définition plus générale : ‘le gourmand est celui qui aime manger’. La gourmandise est considérée comme un péché ‘capital’ (c’est-à-dire ‘de tête’, ‘ayant une descendance’) parce qu’elle entraîne d’autres péchés, tels que l’avarice, l’égoïsme etc. Gide écrit 2 : « C’est dans la gourmandise que l’égoïsme se manifeste le plus honteusement ». Dans les pages qui suivent, nous commencerons par tenter de comprendre le pourquoi de la condamnation de la gourmandise (dans son sens premier de ‘manger avec voracité, de manière excessive’ et aussi dans son sens actuel) . Nous serons ainsi conduits à nous demander pourquoi de nombreuses religions recommandent le jeûne et prescrivent des interdits en matière d’alimentation. Ensuite, dans la deuxième partie de notre propos, nous ferons quelques remarques sur la gourmandise au sens actuel du terme.
Le récit de la désobéissance d’Adam et Ève et autres références bibliques
Ainsi Rousseau, dans Les Confessions, écrit : « j’aime à manger sans être avide ; je suis sensuel et non gourmand ». 2 Gide, Journal, 25 janvier 1929
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Nous commencerons par citer quelques références bibliques à propos de la gourmandise, dans son sens premier comme dans son sens actuel. On sait qu’on peut lire de multiples manières le récit de la désobéissance d’Adam et Ève. Si l’on veut mettre absolument le nom d’un péché capital sur l’attitude d’Adam et Ève, il faut sans doute penser au