La mie prigioni de musset
En 1841, Musset s’étant dérobé au service de la Garde nationale, passa plusieurs jours en prison. Cette mésaventure sera renouvelée en 1843, puis en 1849.
On dit : « Triste comme la porte
D’une prison. »
Et je crois, le diable m’emporte !
Qu’on a raison.
D’abord, pour ce qui me regarde,
Mon sentiment
Est qu’il vaut mieux monter sa garde,
Décidément.
Je suis, depuis une semaine,
Dans un cachot,
Et je m’aperçois avec peine
Qu’il fait très chaud.
Je vais bouder à la fenêtre,
Tout en fumant ;
Le soleil commence à paraître
Tout doucement.
C’est une belle perspective,
De grand matin,
Que des gens qui font la lessive
Dans le lointain.
Pour se distraire, si l’on bâille,
On aperçoit
D’abord une longue muraille,
Puis un long toit.
Ceux à qui ce séjour tranquille
Est inconnu
Ignorent l’effet d’une tuile
Sur un mur nu.
Je n’aurais jamais cru moi-même,
Sans l’avoir vu,
Ce que ce spectacle suprême
A d’imprévu.
Pourtant les rayons de l’automne
Jettent encor
Sur ce toit plat et monotone
Un réseau d’or.
Et ces cachots n’ont rien de triste,
Il s’en faut bien :
Peintre ou poète, chaque artiste Y met du sien.
De dessins, de caricatures
Ils sont couverts.
Ça et là quelques écritures
Semblent des vers.
20 septembre 1843
Alfred de Musset, Poésies nouvelles,
1852.
Introduction
• Poètes en prison (se référer au corpus) : souvent inspirés par leur détention (êtres sensibles) ; un thème d’inspiration pour « soigner son mal » (cf. Verlaine : « Mes prisons »).
• En même temps, pouvoir d’évasion et de transfiguration de la poésie qui permet d’être ailleurs (poète voyageur).
• Musset : poète romantique, donc en révolte, refuse le service de la Garde nationale à trois reprises. Ici, deuxième expérience de prison.
• « Le mie prigioni » (en italien : Musset très attaché à l’Italie ; vogue de « Le mie prigioni » de Silvio Pellico, le carbonaro)