La monnaie
André Orléan – 210306 Pour le Dictionnaire des sciences humaines Dirigé par Sylvie Mesure et Patrick Savidan Presses Universitaires de France, 2006
L’étude de la monnaie se structure autour de deux grandes interprétations aux conceptions très contrastées, pour ne pas dire opposées. La première, fortement dominante chez les économistes, considère que la monnaie s’insère dans l’économie marchande en tant qu’intermédiaire des échanges. Elle est l’instrument qui permet de faciliter la circulation des marchandises conformément à la formule classique M-A-M où M désigne la marchandise et A comme Argent désigne la monnaie. C’est en partant de l’analyse du troc et de ses inconvénients que les économistes justifient cette fonction monétaire. En effet, notent-ils, le troc requiert que l’individu propriétaire du bien A et voulant obtenir le bien B rencontre un individu qui possède du bien B et recherche du bien A. On parle alors de « double coïncidence des besoins ». Comme celle-ci est rare, et d’autant plus rare que l’offre de biens échangeables se diversifie, il s’ensuit d’importantes limites aux transactions directes. C’est l’élection d’une marchandise spécifique, jouant le rôle d’intermédiaire généralisé des échanges, qui permet de dépasser ces limites. Le plus souvent, cette élection est pensée par les économistes comme une production spontanée de l’économie privée, chaque agent cherchant à minimiser ses coûts de transaction en tentant de découvrir l’intermédiaire des échanges le plus utilisé et, en conséquence, le plus efficace. La référence classique est Menger (1892). Les modèles dits de « prospection monétaire » (Kiyotaki et Wright, 1989) ont remis cette idée au goût du jour. Dans cette approche, le moyen de circulation tend naturellement à devenir également l’unité de compte, à savoir ce en quoi les prix des biens sont exprimés. En effet, lorsque l’instrument des échanges n’est pas l’unité de compte, la connaissance du prix de la marchandise M