La mort dans tous les matins du monde.
Marin Marais présente son maître comme un homme familier de la mort : « Il a tout regardé du monde avec la grande flamme qu’on allume au chevet d’un mourant. » Ce thème baroque de la proximité de la vie et de la mort se déploie tout au long du film dans une réflexion sur la création. De fait, Sainte Colombe apparaît à l’écran en train de jouer au chevet d’un de ses amis. L’opposition entre vie et mort apparaît essentiellement dans la dualité entre les deux filles : l’une choisit la vie quand l’autre s’abandonne à la mort. C’est le deuil de l’épouse qui entraîne l’enfermement dans l’art et permet la composition du Tombeau des regrets. De même, la mort de Madeleine est nécessaire pour que Marin Marais puisse donner libre cours à son génie. Les scènes de solitude font alterner des plans sur la mare bleutée, lieu de mort, et des plans sur la cabane, lieu de la libre improvisation. Ainsi, la mort s’avère être aussi source de vie et l’art permet de ressusciter la femme aimée. Marin Marais, devenu un artiste accompli dans l’épilogue, peut enfin honorer la mémoire de Madeleine en interprétant La Rêveuse.
Tel Orphée avec sa lyre, Sainte Colombe fait revenir sa femme du monde des morts grâce à sa viole. Avant de faire apparaître la belle morte, la caméra passe toujours par le regard extatique de Sainte Colombe, ce qui annule tout effet fantastique. Ainsi, il transcende son chagrin par la musique et par le rêve.