La mort et
PREMIÈRE PARTIE
Mrs. Van Rydock s’écarta du miroir et soupira : — Enfin, murmura-t-elle, il faudra bien que ça aille comme ça. Qu’est-ce que tu en penses, Jane ? Miss Marple promena sur la création de Lavanelli un regard critique avant de répondre : — À mon avis, c’est une très belle robe. — Oh ! la robe, il n’y a rien à lui reprocher, reprit Mrs. Van Rydock en soupirant de nouveau. Aidez-moi à l’enlever, Stéphanie. La femme de chambre, une fille sans âge à cheveux gris, fit adroitement glisser la robe le long des bras levés de Mrs. Van Rydock. Celle-ci resta devant la glace en combinaison de satin pêche. Elle était admirablement corsetée ; un nylon arachnéen gainait ses jambes encore fines. Vu d’une certaine distance, son visage, tonifié par de constants massages, apparaissait presque juvénile sous une couche de crème et de fards. Ses cheveux, coiffés à miracle, tiraient sur le bleu hortensia plutôt que sur le gris. Il était impossible, en regardant Mrs. Van Rydock, d’imaginer ce qu’elle pouvait être dans son état naturel. Tout ce que permettait l’argent était à son service, complété par les régimes, les massages et les exercices auxquels elle se livrait inlassablement. — Crois-tu Jane, que beaucoup de gens devineraient que nous sommes du même âge, toi et moi ? Ruth Van Rydock regardait son amie avec une certaine malice. Miss Marple se montra sincère et rassurante. — Je n’ai pas cette illusion ! Moi, vois-tu, je crois que je parais au moins aussi vieille que je le suis. Avec des cheveux tout blancs, un visage très doux couvert de rides, des joues roses, des yeux candides couleur de pervenche, 3
Miss Marple était une délicieuse vieille dame. Jamais personne n’aurait pensé à parler de Mrs. Van Rydock comme d’une délicieuse vieille dame. — C’est vrai, ma pauvre Jane ! dit Mrs. Van Rydock, et elle ajouta avec un éclat de rire inattendu : Moi aussi, d’ailleurs, mais pas de la même façon. En parlant de moi, les gens disent : C’est épatant ce qu’elle garde sa