La nuit dans voyage au bout de la nuit de louis ferndinand céline

623 mots 3 pages
La nuit dans Voyage au bout de la nuit de Louis Ferndinand Céline

La poétique célinienne donne à la réalité la couleur des ténébres. Même les épisodes diurnes semblent nimbés de nuit. La noirceur crée l'unité de l'oeuvre et lui confère sa cohérence. Il ne s'agit pas ici d'un motif esthétique, décoratif, mais d'un miroir déformé qui permet de réfléchir ce qui est habituellement laissé hors du champ de la représentation romanesque : un réel dont l'approche naturaliste initiale tourne vite au cauchemard halluciné. La nuit est l'espace infini dans lequel peuvent se projeter toutes les terreurs, toutes les angoisses de Bardamu. La nuit s'oppose au parti pris réaliste de l'oeuvre et ouvre un espace illimité à la fantasmagorie du personnage et de l'auteur.

La nuit, masse indisctincte et informe, prend un caractère vivant et semble planer au dessus des personnages, prête à chaque instant à les engloutir. Elle apparaît dans l'épisode de la guerre comme une bête vorace : « une nuit énorme […] bouffait la route à deux pas de nous […] il n'en sortait du noir qu'un petit bout de route grand comme la langue […] il vous semblait qu'on ne reverrait plus son bras dès qu'on l'étendait un peu plus loin que son épaule » Plus tard en Afrique, la nuit est personnalisée à nouveau par une menace animale qui plane au dessus de la jungle et de Bardamu : « son coeur brutal en tam-tam qui bat toujours trop vite (la nuit) ».Deux interprétations possibles qui ne s'exluent pas : Bardamu est-il la victime d'une nuit qui l'accable ou projette-t-il sa noirceur sur le monde ?

L'autre nuit, insondable elle-aussi, c'est la conscience humaine dont la géographie est révélée à Bardamu dans toute sa diversité. Partout il ne rencontre que laideur et bassesse morale dont il est utile de se demander s'il s'agit d'une projection ou d'un constat naturaliste. A l'égoïsme, la cruauté, la lâcheté, […] répond la matérialité des corps dans ce qu'ils ont de plus répugnant. On peut s'en étonner car dans

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