La pensée sauvage
Bricoleur et ingénieur :
Les caractéristiques du bricolage permettent de comprendre le fonctionnement de la pensée mythique. En effet, le bricoleur, contrairement au professionnel, n'utilise pas des processus ni des instruments spécifiques déterminés en vue d’un dessein précis : il s'adapte aux moyens qu'il a sous la main. De même, la pensée mythique se construit à partir du signe qui, combinant idée et image, n’a qu’un pouvoir relativement limité. Et à l'instar des matériaux déjà déterminés par un usage antérieur dont le bricoleur doit faire servir à son projet, ces signes sont déjà définis par leur usage dans la langue, limitant d'autant le pouvoir d'invention du mythe, à la différence de la pensée scientifique. Certes, de la même manière, l’ingénieur doit questionner lui aussi le monde, mais, en recourant au concept, il recherche toujours un savoir nouveau qui lui permette de transcender la réalité existante, alors que le bricoleur se borne à réorganiser des éléments contingents déjà utilisés.
Cependant, dans le signe, l’image est toujours porteuse d’une idée, si bien qu'il peut finir par constituer une sorte de langage universel. On voit donc bien que la pensée mythique, art du compromis entre le dessein originel et les moyens à disposition, est déjà porteuse d'une démarche scientifique puisqu'elle forge sans cesse de nouveaux récits à partir d'éléments invariants. De plus, elle est toujours révélatrice des préoccupations d'une civilisation donnée, de même que le bricoleur met sa « patte » dans l'objet créé. Elle s'oppose ainsi à la science, qui, par ses découvertes, invente littéralement l'Histoire. Mais ces deux modes de connaissance sont parfaitement compatibles.
Entre ces deux catégories de pensée, quelle place exacte donner à l'art ? Comment naît l'émotion esthétique devant une collerette de dentelle peinte par Clouet ? Il s’agit certes là d’une réduction du modèle originel ; mais toute