La perspective
De tous les hommes de génie qui créent le nouvel espace de l’art de la renaissance, Leon Battista Alberti fut le seul à pratiquer la peinture et la sculpture en amateur. Sa contribution fut plutôt d’ordre théorique et technique que pratique, et c’est précisément ce qui lui donne une place exceptionnelle. Lorsqu’il eut écrit son De Pictura, en 1435, on recommanda à ceux qui voulaient dessiner correctement de se tourner « vers les mathématiques et vers Battista Alberti » ; car Alberti, convaincu que les « racines » naturelles de la peinture étaient à trouver dans les mathématiques, avait fondu géométrie et optique dans une nouvelle et puissante théorie de l’art pictural. En proposant une interprétation géométrique de la théorie traditionnelle de la lumière et de la vision dite de la perspective naturelle, Alberti avait élaboré la nouvelle « science » de la perspective en peinture. Le but de la peinture tel que l’a défini Alberti est de traiter le plan pictural à deux dimensions comme une fenêtre dans laquelle apparaît une scène à trois dimensions. Pour le peintre, la science de la perspective, telle qu’elle fut pour la première fois exposée dans le De Pictura, consiste en une série de « règles géométriques » simples permettant d’obtenir ces effets. C’est au moyen de ces règles que les artistes de la renaissance construirent le nouvel espace à trois dimensions de leur peinture et de leur relief. Mais cette révolution artistique, essentielle pour l’avenir de l’art européen, ne fut pas la seule conséquence de l’union de la géométrie, de l’optique, et de la peinture réalisées par la perspective. En même temps que le concept d’espace perspectif, d’origine mathématique, était introduit dans le domaine de l’art, l’image réelle, physique, du monde apparue ordonnée selon des principes mathématiques. Cette nouvelle approche des principes de la géométrie et leur application aux problèmes de la représentation transformèrent en retour la vision imaginaire et