La peste noire
« Pars vite, loin et reviens tard »
Quatre cavaliers de l’Apocalypse d’A. Dürer, évocation terrifiante des malheurs des temps.
1) Un sinistre prologue
Distinguer sous-alimentation, disette, et famine. Les mauvaises récoltes, précisément, sont liées à une extrême vulnérabilité des céréales à faible productivité (10 à 15 quintaux/hectare), ainsi qu’aux intempéries. La conjonction entre un hiver rigoureux et un été humide s’avère catastrophique pour les céréales. Le XVe siècle, moins pluvieux, se caractérise, quant à lui, par des hivers désastreux : on parle à son propos de « petit âge glaciaire ». La famine a fait l’objet d’assez peu d’études : elle est peu spectaculaire. La seule famine qui ait intéressé les historiens est celle de 1314-1316. On penserait spontanément que dès 1348, il n’en est rien et il faut attendre la décennie 1370-1380 pour voir le nombre des disettes diminuer sans disparaître. Le XVe siècle en connaît encore de fameuses (ex : dans Paris assiégé, refuge des ruraux), ainsi qu’une surmortalité des pauvres.
2) Un monde qui s’écroule
Le Décaméron, recueil de contes du Florentin Boccace, décrit en ses premières pages un monde qui s’écroule sous l’effet de l’épidémie. La Peste Noire (1347-1349) a profondément marqué les contemporains par son caractère abrupt. Au début du XIVe siècle, l’Europe a atteint un optimum démographique : la France compte 20 millions d’habitants, l’Italie 12 à 15, chiffres que le continent ne retrouvera qu’au XVIIe siècle et qu’il ne dépassera qu’au XVIIIe. En réalité, la peste ne fait que révéler et accélérer une crise structurelle perceptible en Europe du Nord dès la fin du XIIIe. La maladie a cheminé depuis les steppes de l’Asie centrale, où elle est enregistrée en 1339-1340. Par les grandes routes commerciales (route de la soie, notamment), les comptoirs génois du pourtour de la Mer Noire sont