La peur n'est pas une vision du monde
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« La peur n’est pas une vision du monde »
Kurt von Hammerstein
Note : Kurt von Hammerstein (http://fr.wikipedia.org/wiki/Kurt_von_Hammerstein) était un chef d’État-major de la Reichswehr qui a refusé d’obéir à Hitler. L’écrivain Hans Magnus Enzensberger lui a consacré un ouvrage : Hammerstein ou l’intransigeance.
Une histoire allemande, 2010.)
Introduction
L’homme est un « être-pour-la-mort » (Heidegger) autrement dit un être qui sait qu’il va mourir. Cette perspective ne le quitte pas. Mais cela signifie-t-il que toute son existence doit être déterminée par l’angoisse de la mort ? La philosophie nous apprend également que les hommes sont prêts, dans certaines circonstances, à risquer leur vie en vue de la reconnaissance
(Hegel). Nul ne peut asservir un homme qui ne craint pas la mort, nul ne le soumettra au diktat d’un tyran. Inversement, les dictateurs exploitent notre peur (pour notre vie, mais aussi pour celle de nos proches) pour faire régner l’ordre et imposer leurs caprices, voire, dans des cas extrêmes, leur folie. Néanmoins, face à eux, tout au long de l’histoire, des figures réelles
(Socrate, Gandhi) ou légendaires (Antigone, Spartacus) se sont dressées. Elles nous ont appris que l’amour de la liberté et le souci de la dignité pouvaient l’emporter sur la peur. Ces
« grands hommes » (ou femmes), ces héros, ont décrété, à l’instar de Kurt von Hammerstein (1, que : « la peur n’est pas une vision du monde ». Cette formule sibylline signifie que l’« animal politique » ne peut pas être définitivement aliéné. Parce qu’il pense, et la peur est combattue par la pensée.
I . La peur est une passion
Dans cette phrase, la « peur » (au sens courant, au sens un sens large) englobe peur et angoisse.
1. Il y a de bonnes passions. Mais la peur est une mauvaise passion
La « bonne passion » est la passion qui est susceptible de servir des intérêts vitaux. Pour
Spinoza, la bonne passion est celle qui tend