La plaine

613 mots 3 pages
La plaine

La plaine est morne, avec ses clos, avec ses granges
Et ses fermes dont les pignons sont vermoulus,
La plaine est morne et lasse et ne se défend plus,
La plaine est morne et morte - et la ville la mange.

Formidables et criminels,
Les bras des machines diaboliques,
Fauchant les blés évangéliques,
Ont effrayé le vieux semeur mélancolique
Dont le geste semblait d'accord avec le ciel.

L'orde fumée et ses haillons de suie
Ont traversé le vent et l'ont sali :
Un soleil pauvre et avili
S'est comme usé en de la pluie.

Et maintenant, où s'étageaient les maisons claires
Et les vergers et les arbres parsemés d'or,
On aperçoit, à l'infini, du sud au nord,
La noire immensité des usines rectangulaires.

Telle une bête énorme et taciturne
Qui bourdonne derrière un mur,
Le ronflement s'entend, rythmique et dur,
Des chaudières et des meules nocturnes ;

Le sol vibre, comme s'il fermentait,
Le travail bout comme un forfait,
L'égout charrie une fange velue
Vers la rivière qu'il pollue ;
Un supplice d'arbres écorchés vifs
Se tord, bras convulsifs,
En façade, sur le bois proche ;

L'ortie épuise au coeur les sablons et les oches,
Et des fumiers, toujours plus hauts, de résidus
- Ciments huileux, plâtras pourris, moellons fendus -
Au long de vieux fossés et de berges obscures
Lèvent, le soir, des monuments de pourriture.

Sous les hangars tonnants et lourds,
Les nuits, les jours,
Sans air ni sans sommeil,
Des gens peinent loin du soleil :
Morceaux de vie en l'énorme engrenage,
Morceaux de chair fixée, ingénieusement,
Pièce par pièce, étage par étage,
De l'un à l'autre bout du vaste tournoiement.
Leurs yeux sont devenus les yeux de la machine ;
Leur corps entier : front, col, torse, épaules, échine,
Se plie aux jeux réglés du fer et de l'acier ;
Leurs mains et leurs dix doigts courent sur des claviers
Où cent fuseaux de fil tournent et se dévident ;
Et mains promptes et doigts rapides
S'usent si fort,

en relation

  • Les croix de bois
    330 mots | 2 pages
  • Merovingiens
    4559 mots | 19 pages
  • TEXTES ELEVES GAINSBOURG 4
    2196 mots | 9 pages
  • Commentaire littéraire tirade de phèdre (racine) acte i, scène 3
    1776 mots | 8 pages
  • L'affiche rouge
    657 mots | 3 pages
  • Nouvelle fantastique
    1625 mots | 7 pages
  • Pourquoi jai mange mon pere
    695 mots | 3 pages
  • Sujet d'invention huyskans
    1014 mots | 5 pages
  • Blabla
    900 mots | 4 pages
  • Histoire des art
    632 mots | 3 pages
  • Apoth Ose
    485 mots | 2 pages
  • Lecture analytique de Pierrot et Aux champs de Maupassant
    1537 mots | 7 pages
  • Fatiguée
    456 mots | 2 pages
  • Analyse de Le poète s'en va dans le champs
    1415 mots | 6 pages
  • Inventaire
    675 mots | 3 pages