LA « PLAISANTE JUSTICE » DES HOMMES

La première étape de la réflexion de Pascal consiste à observer la place et le rôle de la justice dans la cité terrestre. Mais nous l'avons dit, cette enquête est interprétée à la lumière de la vérité de la révélation chrétienne. Pascal sait en effet déjà ce qu'il cherche dans l'examen de l'État et de ses lois : une preuve du désordre que produit l'homme abandonné de Dieu. Pour ce faire, il soulève la question de la valeur et de la légitimité des lois. La notion de justice se situe donc au cœur de l'enquête pascalienne sur la communauté humaine : cependant, sa présence s'y révèle paradoxale, car si l'auteur semble la chercher partout, il ne la trouve nulle part dans la société.

L'homme privé de "véritable justice"
• La justice divine
Dans la perspective pascalienne, il n'est qu'une véritable justice, la Justice divine, comme l'assure le début du fragment 375 : « j'ai passé longtemps de ma vie en croyant qu'il y avait une justice et en cela je ne me trompais pas, car il y en a selon que Dieu nous l'a voulu révéler ». La véritable justice, celle de Dieu est absolue et transcendante : elle est universelle, c'est-à-dire qu'elle vaut en tout temps et en tout lieu indépendamment de toute circonstance extérieure : elle est invariable et se définit par sa constance et son immutabilité ("justice constante", fr. 294). C'est à cette conception d'une justice parfaite que Pascal va confronter la justice des hommes, comparaison qui va lui permettre de mettre en évidence la distance incommensurable qui les sépare. De fait, s'il utilise le même terme pour qualifier la justice divine et celle des hommes, Pascal distingue cependant, à la suite des analyses de saint Augustin dans la Cité de Dieu. entre la notion de justitia qui désigne la justice éternelle de la loi divine, et celle de jura. qui désigne les conventions juridiques des groupes humains. Ce sont ces dernières qui vont se révéler la caricature ou la contrefaçon de la véritable