La police des foules
Depuis la fin des années soixante-dix, il semble que le recours à la rue se soit institutionnalisé : y recourir est devenu de plus en plus banal, pour de plus en plus de gens et dans des milieux de plus en plus divers. Très logiquement, cette routinisation s’accompagne d’une pacification tendancielle des conflits. Ainsi, l’image d’Épinal de la police s’opposant aux manifestants fausse-t-elle la perspective. De manière générale, les manifestants coopèrent avec la police, s'assemblent sur le lieu prévu à l'avance, défilent le long d'un itinéraire négocié et se dispersent pacifiquement quelle que soit l'issue de leur action. Aussi bien, les recherches sur le maintien de l’ordre soulignent le passage plus ou moins avancé de stratégies policières coercitives à une stratégie de persuasion, de négociation permanente et l’application souple de la loi. Dans ce processus d’euphémisation des modes d’intervention, l’évolution technique des matériels et des tactiques a joué un rôle important. C’est une évolution ambivalente cependant, car les transformations du maintien de l’ordre ont été et sont encore d’abord impulsées par les modifications des stratégies manifestantes et politiques. Aussi l’actuelle pacification de la rue ne doit-elle pas être considérée comme acquise, ce qu’illustre bien la manière dont les États ont cherché à adapter leur doctrine et leurs pratiques face à la multiplication des manifestations altermondialistes et à la répétition des situations d’affrontement.
Caractéristiques institutionnelles et styles de police
Il est d’usage dans la recherche comparée sur le maintien de l’ordre de distinguer deux grands styles de maintien de l’ordre, avec d’un côté, un style opportuniste, tolérant, souple, sélectif et flexible et, de l’autre, un style légaliste, répressif, musclé, diffus et dissuasif. Ce dernier implique généralement la répression, un faible recours au marchandage, une application rigide et réactive de la loi et, parfois, le