La politique doit-elle renoncer à tout idéal normatif
La politique doit-elle renoncer à tout idéal normatif ?
Si on observe lucidement la réalité politique, comme le font Machiavel et Hobbes, la vie politique obéit à la loi du plus fort, mais pas n'importe comment : cette loi ne peut s'imposer, comme le montre Rousseau, qu'en transformant la force en loi. En cela la politique semble être l'art de persuader les dirigés de se soumettre volontairement à la force des dirigeants, s'ils veulent être protégés et non pas broyés par elle. La politique concerne la question de l'organisation de la cité ainsi que celle du pouvoir qui en garantit le fonctionnement pacifique. Ces deux questions sont nécessairement liées à celle de l'usage légitime de la violence et de la domination pacificatrice, afin de préserver l'ordre public du risque de la violence privée et généralisée. Comme science théorique, la politique se définit plutôt comme la science de l’idéal ou de la doctrine à partir desquels le gouvernement doit régler son action. Ainsi, la politique semble intrinsèquement liée à la notion d'idéal. Mais au cours des dernières années, la prééminence de la philosophie politique d’inspiration normative s’est vue peu à peu contestée par le paradigme ''réaliste''. On a ainsi reproché à la ''théorie idéaliste'' d’être insensible aux faits et de présupposer des conditions non concordantes avec les réalités politiques. Ainsi, il apparaît légitime de se demander si la politique doit renoncer à cet idéal normatif, à un idéal de moral, à une éthique. La politique doit-elle être fondée en dehors de toute considération morale ? La relation entre l'éthique et la politique est en tout cas ambiguë : si la politique qui est toujours l'expression d'une volonté de pouvoir prétend servir l'éthique, n'est-ce pas nécessairement en se servant d'elle ? Dès lors, une politique éthique pourrait apparaître comme un leurre, une illusion dangereuse, un simple instrument d'un désir de domination, ce qui