La raison et le réel
Aussi leur conflit est-il inévitable. La raison a, d’un point de vue théorique, l’avantage sur la croyance. Comme elle est recherche, elle vise l’assentiment d’autrui ; elle repose sur le principe d’universalité. En elle, tous les hommes communient. Elle seule est capable de convaincre, c’est-à-dire d’amener à une adhésion qui repose sur des preuves. La croyance persuade en reposant sur des sources affectives ou sur la coutume (Alain, Définitions).
Toutefois, la raison ne peut prétendre être légitime sans cercle vicieux. Car que tout tombe sous sa législation ne peut se démontrer ou se prouver sans la supposer. La raison repose donc sur une croyance. Dès lors, n’y a-t-il pas un domaine légitime de la croyance ?
On peut penser que les principes, c’est-à-dire les propositions premières, indémontrables et vraies qui fondent l’exercice de la raison, sont connus autrement que par la raison. Comme leur connaissance est immédiate, ils sont sentis. On peut appeler cœur la faculté qui nous fait connaître les principes et leur vérité (Pascal, Pensées). On dira alors que la raison n’est pas la seule faculté qui nous permet de connaître la vérité. Elle est uniquement capable d’inférer les conséquences des principes, c’est-à-dire des propositions qui découlent nécessairement d’autres propositions admises.
Dès lors, la croyance est légitime en ce qui concerne toutes les vérités qui ne peuvent être connues qu’immédiatement. Telles sont les vérités du cœur. Elles comprennent non seulement les principes mais également les