La rumeur et les sciences sociales
Sujet : Comment les sciences sociales peuvent-elles rendre compte du phénomène de la rumeur ?
Dans la Grèce antique, Démosthène reproche aux athéniens leur inertie face à la menace de Philippe de Macédoine, d’être bien trop à l’écoute des rumeurs concernant sa santé physique Le bruit court que Philippe est mort ou malade, sans chercher à vérifier l’information, ils en profitent pour relâcher leurs efforts. C’est ainsi qu’en 352, ils ont renoncé à l’expédition qu’ils projetaient contre le souverain macédonien, occupé à assiéger Héraion Teichos. Dans laTroisième Olynthienne, Démosthène leur rappelle la raison de ce brusque revirement : « Comme on avait annoncé (ἠγγέλθη) que Philippe était malade ou mort – les deux bruits ont couru (ἦλθε γὰρ αμφότερα) –, vous avez pensé que ce n’était plus le moment de porter secours et vous avez abandonné l’expédition ». Cette citation de Démosthène concernant des « bruits qui ont couru » lors d’une guerre contre Philippe II de Macédoine montre bien l’ancienneté du phénomène de la rumeur selon sa définition la plus large, c'est-à-dire (un/des) bruit qui se répand dans le public, dont l'origine est inconnue ou incertaine et la véracité douteuse. Les définitions de la rumeur sont si nombreuses qu’il devient difficile d’en trouver une à laquelle on adhère complètement et il est impossible de définir la rumeur sans lui apposer des frontières, N. Difonzo et P. Bordia s’emparent de ce travail et distinguent la rumeur du ragot ou de la légende urbaine en se fondant sur des concepts tels que le contexte, la fonction ou le contenu. Ainsi, le ragot est un « bavardage » répondant à un besoin psychologique qui permet le maintient du réseau social. La légende urbaine un récit moralisateur intervenant lors d’activités sociales particulières. Je la définirai donc dans un premier temps comme une ressource, individuelle et collective, qui évolue et se transmet sur un marché officieux de l’information, ce qui explique son