La satire ménipée
Le genre était nouveau, et le projet moral de l’œuvre, à ce jour inouï, surprit les contemporains : les « satyres ménippées », se dut de préciser alors un « second advis de l’imprimeur », sont « pleines de brocards salez et de gausseries saulpoudrées de bons mots, pour rire et pour mettre aux champs les hommes vitieux de son temps ». Un an plus tard, la traduction anglaise sous-titrait, dans le même esprit : A Satyre Menippized, that is to say, a Poesie, sharplie, yet Philosophicallie and wisely rebuking vices without regard of persons.
Après que le manuscrit eut circulé sous le manteau, de nombreuses éditions se succédèrent dans les années 1594-1595. Le choix de la forme libre de la satire permettait, en effet, d’accueillir une matière toujours plus riche qui s’organisa autour de la trame originale, pour offrir finalement les traits que l’on reconnaît aujourd’hui à l’œuvre : elle s’ouvre par un avant-propos, La Vertu du Catholicon, qui met en scène des charlatans, l’un Espagnol, l’autre Lorrain, lesquels, établis dans la cour du Louvre, débitent et vendent aux passants une drogue merveilleuse, le catholicon, remède universel, prétexte au pardon de toutes les fautes. Les vertus du catholicon sont exposées en une vingtaine d’articles sur une pancarte que montre l’Espagnol : ils passent en revue l’ensemble des méfaits les plus abominables dont les Ligueurs se soient rendus coupables, sans jamais en rendre compte devant la justice. Ce prologue est suivi de l’Abregé des Estats de Paris, récit parodique d’une procession qui réunit les plus grandes figures de la Ligue, peu avant leur entrée dans la salle des séances des