La simplicité s'oppose ordinairement à la complexité (ce qui est simple, c'est ce qui n'est "pas compliqué", pas ambigu) et à la multiplicité (ce qui est simple, c'est ce qui est un). Les deux aspects sont d'ailleurs liés, complications et ambiguïtés ne pouvant survenir que là où intervient une pluralité d'aspects ou d'éléments. Pourtant, il se pourrait bien qu'il faille distinguer au moins deux grandes formes de simplicité ; et du coup, d'une façon à la fois logique et un peu paradoxale, ni la compréhension ni la mise en pratique de la simplicité ne seraient une affaire simple... La première forme de simplicité consiste dans le caractère immédiat de ce qui détermine la conduite et la pensée ; en ce sens, ce qui est simple, c'est ce qui est tout "naturel", ce qui va de soi, ce qui s'impose comme seule possibilité. Ainsi la vie de l'animal est-elle simple, en ce sens qu'elle est tout entière orientée vers quelques buts très peu nombreux, et que l'animal est pourvu d'emblée, immédiatement, des moyens nécessaires pour les atteindre. Sans doute cette grande simplicité de la vie est-elle rendue possible par le bon fonctionnement d'organismes qui sont, en eux-mêmes, d'une extrême complexité... mais cette dernière est pour ainsi dire oubliée, laissée de côté par le vivant, elle n'est ni élaborée ni prise en charge par lui. De façon analogue, dans l'ordre de la pensée, la simplicité consiste d'abord dans l'engendrement et l'expression d'opinions, c'est-à-dire de pensées reflétant immédiatement des désirs ou des "faits" perçus comme "évidents", s'imposant tout "naturellement". Pourquoi se "compliquer la vie" alors que le bien (ce qu'il faut faire) et le vrai (ce qu'il faut penser) s'imposent d'eux-mêmes, et qu'il suffit de les voir et de les suivre aussi immédiatement qu'ils se donnent eux-mêmes ? L'homme, et tout spécialement le philosophe, serait cet être étrange qui aurait l'art de créer de toutes pièces des complications, alors qu'en fait tout pourrait et