Dans La Statue de sel d’Albert Memmi, publié en 1953, au-delà de l’appartenance autobiographique et de l’illustration d’un espace et d’une période historiquement en rapport avec la colonisation française en Afrique du Nord, le narrateur cherche à « se dire » et à dire l’Autre. Nous allons analyser à travers le texte qui nous est proposé à l’étude comment l’écrivain, écartelé entre plusieurs références culturelles, tente de reconstituer son enfance et les divers sentiments vécus à cette époque à travers une écriture privilégiant l’autoportrait, plus particulièrement le genre autobiographique. Notre propos sera de montrer comment il se présente aux lecteurs, et par-là même, la filiation autobiographique à travers ses différentes caractéristiques retrouvées dans l’extrait. La coexistence des communautés diverses en Tunisie à un moment particulier de son Histoire donne à lire une mosaïque sociale où les conflits sont exacerbés, illustrés par des relations ambiguës d’attirance et de rejet, d’amour et de haine, cristallisées dans la figure même du personnage principal, à savoir Alexandre Mordekhai Bénillouche. Les composantes de son propre nom désignant les multiples facettes de son identité prennent des connotations diverses : « Alexandre : …occident prestigieux, glorieux…Mordekhai : nom d’un macchabée…de mon grand-père, débile vieillard qui jamais n’oublia les terreurs du ghetto…), ces connotations attribuées à ces « références » sont souvent sources de malentendus, dénotant ainsi la difficile épreuve du rapport à l’Autre dans une société où se jouent des intérêts de pouvoir et de position sociale, notamment dans le fait d’être pauvre dans un pays où les angoisses de la colonisation demeurent vivaces, sans oublier l’appartenance à la communauté juive dans un pays où la majorité est arabo-musulmane. Ainsi, « Alexandre » représente la dimension occidentale, « Mordekhai », la tradition juive et « Bénillouche » la culture berbère, reflétant de la sorte la triple