La sympathie adam smith
1 la sympathie dans La théorie des sentiments moraux
Le rôle considérable que lui attribue Adam Smith dans sa Théorie des sentiments moraux (1759) a de quoi surprendre si nous faisons trop vite le raccourci entre libéralisme et individualisme et constitue un aspect de la question de l'unité de sa philosophie morale et de sa théorie économique1. Mais il soulève également une question analogue quant au rapport entre sa philosophie morale et sa théorie esthétique telle qu'elle est formulée dans les Essais esthétiques et en particulier dans l'opuscule « De la nature de l'imitation dans les arts qu'on appelle imitatifs » (rédigé probablement en 1777)2.
La sympathie peut-être définie comme « notre affinité (fellow-feeling) avec toute passion quelle qu'elle soit »3. Pour décrire ses caractéristiques phénoménologiques A. Smith recourt à une analogie musicale : un sentiment produit par sympathie (dans son lexique, une « passion sympathique ») est toujours affaibli par rapport au sentiment original qu'il reproduit4. La reproduction sympathique d'un sentiment ne produit pas un sentiment identique, un « unisson », mais un sentiment entrant en accord (le terme « concord » ayant une signification musicale en anglais) avec le premier:
« Certes, ce que sentent les spectateurs restera toujours, en quelque manière, différent de ce que sent la personne qui souffre, et la compassion ne peut jamais être exactement l'analogue du chagrin original... Quoiqu'ils ne puissent jamais être à l'unisson (be unisons), ils peuvent s'accorder (be concords) et c'est tout ce qui est recherché ou requis »5.
Progressivement, le texte d'A. Smith glisse donc de la sympathie, capacité à ressentir les mêmes affects qu'autrui, à l'empathie, disposition psychique à se mettre à la place d'autrui6 :
« Parce que nous n'avons pas une expérience immédiate de ce que les autres hommes sentent, nous ne pouvons former une idée de la manière dont ils sont affectés qu'en